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De PNG au Sri Lanka - Le 15/02/2010
Difficile
de quitter Hermit Island: on avait prévu d'y passer 3 jours,
on y est restés une semaine. Il faut dire que la météo
nous a aussi aidés, c'était orage sur orage, et vent
dans le nez. Mais dans ce village de 200 personnes posé sur
une langue de sable entre deux îlots, a 150 km de la côte
Papoue, les gens ont été si accueillants, que pendant
quelques jours on a partagé leur mode de vie: un jour chasse
sous marine avec les jeunes du village (quelle autonomie en apnée
les vaches!), le lendemain grillades dans la jungle avec les fruits
de notre cueillette (manioc) et de notre chasse (crabe de cocotier).
Il faut imaginer la chasse: après une bonne heure de recherche
sous la pluie, notre
pisteur débusque enfin un petit spécimen caché
dans un tronc, mais profondément. Il sonde la cache du bout
de sa machette, puis annonce froidement: "we have to cut the
tree" et empoigne sa hache (!?!). Hugues et moi hallucinons:
"on ne peut pas couper un arbre pour un crabe, c'est contraire
à nos convictions, il faut protéger la forêt!"
Mais peine perdue, ici ce genre d'argument ne tient pas tant la
jungle est vivace: "on ne peut pas rentrer bredouille après
une heure sous la pluie; et puis il faut bien qu'on mange! "
répond notre chasseur... La conscience à demi tranquille,
on a fini par céder, de peur de vexer nos hôtes, mais
qu'est ce qu’on s'est régalé: Avec quelques
verres de bière de coco artisanale, un vrai festin. Car les
entrailles de ce bernard-l 'hermite géant regorgent de crème
de coco grasse et gouteuse à souhait, que l'on sauce avec
les racines de manioc grillé...
Finalement le temps s'arrange et
il est temps de partir. Sans vent et face au courant, c'est en bonne
partie au moteur que nous franchissons les 800 miles qui nous séparent
de Palau, île-état indépendant du bout de la
chaine micronésienne.
Si Cousteau est passé à
Hermit dans les années 80, Nicolas Hulot est venu ici récemment,
bon présage... nos attentes en matière de plongée
sont grandes. Mais tout d'abord, nous devons reprendre contact avec
le monde des "yachties", des "voileux", des
"tourdumondistes", car ça fait un moment qu’on
n’a pas vu de yacht club. Attablés au bar du "bottom
time", nous faisons la rencontre d'Andrew et Jenny qui veulent
chasser les trésors, de Jason qui vient de finir la construction
d'un superbe
cata en Alu et veut déjà le vendre pour en construire
un plus beau, de Larry qui vient faire un reportage sur les "refugiés
climatiques" (eh oui ça commence par ici...), et de
Peter qui vient filmer lui des chinois libérés de
Guantanamo, et qui ont fini ici car personne ne veut d'eux. Bref,
tout le monde nous semble un peu fou dans le coin! Mais le fish
and chips est au point, l'ambiance bon enfant, et les plongées...
oh la la, la la, la lalalala. Difficile à rendre par écrit,
mais si vous êtes plongeur, vous devez voir ça: car
à 50 bars, il faut vraiment se botter les fesses pour se
décider à remonter. Pour les non plongeurs par contre,
c'est moins intéressant car ces îles sont peu habitées
(15000 personnes), et il n'y a pas vraiment de culture locale.
Le
jour du départ, une bonne brise d’Est s'est levée
comme on n’en avait pas eu depuis longtemps: le retour des
alizées, qui nous propulsent vers Bornéo via le Sud
Des Philippines (pour faire le tour de la zone à pirates).
A l'arrivée, Kota Kinabalu (KK pour les intimes et kaiye
kaiye pour les branchés) a été un choc. Grandes
tours, embouteillages, méga galeries commerciales, la dernière
vraie ville connue était Puerto Montt huit mois plus tôt,
et on ressent comme un gros coup de cafard Hugues et moi. Sans se
concerter
on est mal a l'aise...Mais enfin on s'habitue quand même vite
au méga luxe de la marina "cinq étoiles "
de Sutera Harbor, partie intégrante d'un complexe de deux
hôtels chics, qui nous considèrent comme leurs membres
d'honneur: accès libre aux trois piscines et à toutes
les activités, demi tarif sur les consommations... Même
Vitto qui nous
retrouve ici avec son gros sac à dos et ses dreadlocks y
prend goût, en quelques jours c'est la mascotte du lieu. Dans
ce cocon doré, on laisse notre Ratafia pour partir faire
un peu les routards. Rafting, ascension du mont Kinabalu, c'est
très beau, mais l’impression est mitigée:
On
a vu les (cinq) derniers Orangs Outangs (j'exagère un peu)
mais ils sont dans un centre de réhabilitation car on a tué
leurs parents pour couper les arbres; et ils apparaissent à
heures fixes pour venir engloutir les bananes que les gardiens leur
proposent... La jungle est la plus belle qu'on ai vu, regorge de
Proboscis (ces singes à gros nez), les cimes pointent à
85 mètres, mais pour l'atteindre, on roule pendant des heures
au milieu des palmiers à huile qui l'ont remplacée,
à perte de vue... Et au rythme actuel, tout aura disparu
en 2020... re-gros coup de cafard. Pourtant, il en reste encore
50%, on peut faire quelque chose car la plupart de ces coupes sont
illégales, et leur destination principale: l'Europe et en
particulier...la France. Bref, on peut acheter du bois, du papier,
issus de filières certifiées, (FSC), ou essayer d'éviter
les produits à base d'huile de palme, par exemple.
A
Kuching, on a encore visité une "long house" dans
la jungle, ces vielles maisons-villages hébergeant jusque
200 personnes avec un très long couloir commun, où
on a pu goûter toutes sortes de fruits inconnus, comme ces
grosses mangues à goût de pommes, ces litchis à
longs
poils, ou toutes petites et vertes. Puis on est parti à l'
assaut du détroit de Malacca, où on a pu constater
de visu ce qu'est la mondialisation: deux jours à slalomer
entre les barges, les cargos, au mouillage, au départ ou
à l' arrivée sur Singapour: des milliers, la Manche
à la puissance dix...Pour quelques temps, on a relevé
Vitto de ses fonctions de quart de nuit, pas convaincus qu'il ait
suffisamment d'expérience pour bien évaluer les distances
dans le noir. Alors quel soulagement quand le détroit s'élargit,
de quitter ce trafic pour découvrir Langkawi, la dernière
île Malaise avant la Thaïlande.
Là on a rencontré les Ecossais Gordon et Anne sur
Equinoxe, le premier des bateaux du convoi que l'on joindra pour
passer la Mer rouge. On se rassure, échange d'infos, d'impressions...
on se sent moins seuls pour ce futur gros morceau, l’organisateur
a de l’expérience, tous les contacts nécessaires:
ça se présente bien. Le lendemain c'est Noël
et on est tous invités à bord de "South trade
winds", grosse corvette de charter pour une soirée mémorable,
Anne est une terrible fêtarde, et la fête d'arrivée
de la traversée de la Mer Rouge promet d'être excellente!
Vitto
est reparti vers de nouvelles aventures avec son sac à dos,
et a laissé sa place à Jean Noël, sans sa valise.
Le temps qu'elle arrive, on fait le petit bricolage, et profite
de la piscine du "Royal Langkawi Yacht Club", marina qui
n'est pas non plus pour les pouilleux!
Hole in the Wall, Butang, Koh
Rok Nok, nos mouillages nous mènent de rivière encaissée
dans la mangrove entre les singes et les chauves souris, aux récifs
de coraux où on fait de très jolies plongées
en apnée. Mais attention, les cartes sont mauvaises, les
fonds remontent fort, et notre sondeur est tombé en panne,
c'est très piegeux, et bien qu'on ouvre l'œil, on se
fait piéger! Par deux fois on racle le corail du bout de
la quille, sans gravité heureusement, mais quand même
devant Papa, what a shame!
Malgré le manque de vent,
on continue vers le nord, et Jean Noël prend ses quarts de
nuit avec plaisir. Plaisir partagé, car je me régale
à lui transmettre les consignes et à lui remettre
la responsabilité du bateau à nos changements de quarts.
Et puis huit heures de sommeil, c'est mieux que six quand on est
seulement deux à bord...
A
Phuket, on récupère Sophie, réussit à
réparer le sondeur, puis on continue vers les îles
Similian réputées pour la plongée. Et en effet,
ça vaudrait presque Palau, ne s’il n’y avait
ces hordes de speed boats qui débarquent à neuf heures,
moteurs rugissants, des centaines de touristes à la journée.
Malgré ça, on a pu voir sur une même apnée
avec JN, serpent de mer, barracuda, pieuvre, et seiches crachant
leur encre.
Avant de rentrer à Phuket pour l'avion de Jean Noel, on fait
une dernière plongée entre les îles No 6 et
7, dans un site magnifique, où l'on découvre sous
l’eau dans 10m de fond, une série de grandes roues
de pierres, une petite chapelle, et une statue de sirène...
J’apprendrai plus tard qu'il s'agit d'un mémorial en
souvenir du Tsunami. Ailleurs pourtant, les gens évitent
d'en parler, les traces ont été effacées, seuls
quelques chauffeurs de taxi racontent leurs allers retours plage-hôpitaux
après la vague.
Après le départ
de Jean Noel, Hugues part en vadrouille avec Sophie, et de mon côté
je retourne aux Similian sur un bateau de plongée pour un
séjour embarqué. 4 plongées par jour, c'est
intensif très bonne ambiance et organisation, les sites sont
superbes, ça vaut le coup.
Un petit coup d'œil à
Patong beach, la plage où on est le plus "sexy man"
du monde, et puis direction le Nord, Chiang Mai, toujours en sac
à dos, pour découvrir la "vraie Thaïlande".
Et c'est vrai que les villages traversés au cours du trek
sont vraiment authentiques, et l'accueil pour la nuit dans les huttes
en bambou chaleureux, alors que la région est réellement
pauvre. Beaucoup plus qu'ici au Srilanka, dernière escale
en date, où partout la terre est généreuse.
Ici j'ai loué un scooter et file entre les montagnes où
on cultive le thé, de parc national en temple bouddhiste,
pendant qu’Hugues voyage avec sa mère. La prochaine
fois j'irai à pied, en bus, en touctouc, mais ici le temps
presse car l'escadre n'attendra pas pour le golfe d'Aden, alors
pour une fois pendant ce voyage, à nous l'ivresse de la vitesse,
il y a tant a voir.
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