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USHUAIA: Nous y sommes !!!
Après le départ de
Guillaume et Johan, nous décidons d’aller nous mettre
au vert dans une des multiples criques d’Ilha Grande : un
petit coin de paradis qui ferait penser au golf du Morbihan dans
des eaux tropicales. Mathieu vient de reprendre son bus pour Rio
ou il est en escale pour Air France, et on a passé deux jours
à chanter nos anciens succès. Il nous a en plus amené
un excellent parmesan en direct de Venise : comme on s’est
régalé ! Au mouillage de Paraty Mirim, on passe les
deux jours suivants à préparer le bateau pour le sud.
Il faut plonger pour caréner et l’eau commence à
être froide mais nous avons de la route devant nous et la
carène doit être impeccable pour ne pas perdre un quart
de nœud.
Le 3 Décembre on est prêt.
A la sortie de la crique on est cueilli par un bon vent qui nous
pousse à 8 nœuds sur de l’eau plate et on doit
vite prendre deux ris. Puis on reprend tranquillement notre rythme
de croisière et nos quarts de nuit. Ca commence toutefois
à sentir le sud : le régime météo est
beaucoup plus instable, et nous amène à faire plus
de manœuvres de voiles.
Le
5 est un grand jour : on remonte enfin notre premier poisson, et
jusqu’au pont du bateau cette fois ci ! C’est une grosse
dorade Coryphène et le bateau se transforme vite en boucherie.
Darnes coupées à la scie à métaux, cubes
et filets, nous passons un bon moment à conditionner cette
bête qui doit faire une dizaine de kilos. Grâce au congélateur,
nous ne perdrons pas une miette de ce délicieux poisson,
cuisiné à l’échalote, cru en sashimi
ou en salade au coco.
Le
6 décembre nous observons notre premier albatros : on n’est
encore pas dans les 40èmes mais aucun doute, c’est
beaucoup trop gros pour être un Puffin, et puis, le décollage
de la bête fait irrésistiblement penser à la
monture de Bernard et Bianca. Par contre nous apprendrons à
nosdépens qu’il ne sera plus question de pêcher
tant qu’ils assureront notre escorte…
Le 9, il est minuit quand nous
arrivons à notre dernière escale Brésilienne
: Rio Grande du Sul. Il fait bien sombre et nous nous amarrons au
premier ponton rencontré. Le lendemain au réveil,
nous réalisons que ce qu’on a pris pour la marina est
en fait le Museo Oceanografico…mais le directeur, forte personnalité
et grand cœur, nous propose de rester autant qu’on le
voudra, en échange de notre pavillon Belge et d’un
mot sur son livre d’or : que signifie pour nous naviguer en
mer comme nous le faisons ?........ On ne vous dit pas mais ce fut
un grand moment de poésie ! A son image, les gens du sud
du Brésil nous réservent un accueil incroyablement
chaleureux et ce qui devait n’être qu’une escale
douanière de sortie du territoire, devient vite l’une
des plus attachantes du Brésil. On a même vu la télé
locale débarquer au ponton pour nous interviewer ! Du coup
nous prenons de bon cœur le mauvais coup de vent du sud qui
nous oblige à retarder notre départ de 36 heures,
et nous quittons ce bel endroit le 12, et je me dis que je reviendrai
peut être un jour à l’occasion du forum altermondialiste
de Puerto Alegre.
Après
3 jours de voile et deux heures de moteur, nous entrons au Yacht
club Argentino de Mar del Plata et reconnaissons un joli Romanée,
du nom de Makao, jaune et blanc au pavillon breton, que l’on
avait déjà vu à Paraty. On s’amarre donc
à coté, et faisons la rencontre de Katell et Mathieu
qui deviendront nos compagnons de voyage pour les semaines suivantes.
Il y a aussi Benjamin qui navigue seul sur Dira, un half toner de
9m50, et dont on avait lu la dédicace sur le livre d’or
du museo oceanografico. Il est parti de Sète avec un copain
et a attendu le Brésil pour installer un moteur sur son bateau
! Et puis un vieux Suédois qui a cassé son mât
et l’a réparé tout seul… et tout ce beau
monde descend vers le sud, ça fait plaisir de n’être
plus les seuls. L’ambiance est très conviviale, on
s’invite, on s’entraide, on se prépare pour le
grand départ. Mais avant ça,prenons un peu de vacances
: Hugues part quinze jours avec Sophie pour Bariloche et la région
des lacs, tandis que je vais m’immerger dans l’univers
Tango de Buenos Aires.
Les Argentins aussi nous réservent
un bel accueil : dès le lendemain de notre arrivée,
le drapeau Belge est hissé sur la pelouse du yacht club et
chacun cherche à nous aider pour les petites réparations,
tout le monde est curieux et sympathique, y compris même le
gros lion de mer étalé sur la mise à l’eau,
qui se pousse pour laisser passer les Optimists.
Nous nous retrouvons avec Hugues
pour passer le nouvel an à Buenos Aires, puis rentrons nous
préparer pour le grand sud. De Mar del Plata à Ushuaia
–via le détroit de Lemaire- c’est une navigation
qui a la réputation d’être difficile, probablement
une des plus exigeante de notre tour du monde, avec une météo
particulièrement instable et beaucoup de courants. Les coffres
sont remplis de nourriture, les haubans et winchs vérifiés,
le grand génois est remplacé par un inter plus petit
et le tourmentin sorti sur l’étai largable à
poste. Avant le départ, les agents de la préfecture
maritime me font le sermon : il faudra les appeler tous les jours
à 10h et 22h pour leur donner notre position. Je promets
d’essayer de faire relayer notre position par les cargos ou
pêcheurs de rencontre car notre radio VHF ne porte pas assez
loin.
Le
6 Janvier la fenêtre météo est favorable et
nous quittons à 8h30, et peu de temps après on croise
un nouveau modèle de dauphins : deux bandes noires sur les
flancs, ils n’ont pas le nez pointu de leurs cousins du nord
; ce sont des lagénorhynques obscurs.
Le lendemain Hugues dort quand
j’entends la ligne de pêche qui siffle. Je sors vite
et là horreur : c’est un albatros qui a attrapé
l’hameçon et est traîné à moitié
sous l’eau, pendant que d’autres tournent tout autour.
Je coupe vite la ligne mais je ne me sens pas fier : comment va-t-il
s’en sortir avec 100 mètres de fil qui lui pendent
au bec? Sûrement pas bien… Avant d’arrêter
définitivement la pêche, Hugues a lui aussi attrapé
son albatros quelques jours plus tard, mais celui-ci a eu plus de
chance : la ligne était seulement prise dans ses pattes et
on a réussi à le ramener à bord pour le délivrer,
pendant qu’il essayait de nous donner des coups de bec.
En fait, la météo
est même très clémente car c’est sous
spi à 7 nœuds que nous passons le 40ème parallèle
le 7 à 17 heures. Dès qu’on croise un bateau,
on lui demande une météo et de transmettre notre position
à la préfecture, mais ça n’arrive que
tous les deux jours en moyenne.
Apres
4 jours et demi de traversée, on passe le canal Leones à
toute vitesse avec le courant dans le dos et un petit coup de vent
du sud qui monte, pour arriver à la caleta Horno (comme "four"),
avant la nuit. C'est une côte isolée. Les vagues levées
par le vent sont pile face à l'entrée ce qui nous
fait hésiter un moment, mais d'un autre coté c'est
le seul mouillage totalement abrité de cette traversée
de 1200 miles. Notre guide le décrit comme "bullet proof".
On entre donc et en effet, à peine passée la première
pointe rocheuse tout se calme, l'eau est un miroir. Tout content
de cet endroit magnifique, je suis à l'avant à préparer
le mouillage quand j'entends: "Cyrilou on a un petit problème".
Eh oui car un filin malin s'est glissé à l'eau et
sournoisement pris dans l'hélice. Le moteur tourne encore
mais elle non. Le temps de jeter un oeil à la cale moteur,
le vent nous pousse doucement vers les cailloux au bord de la calanque.
Bon, on a vite jeté l'ancre et assuré le bateau avec
3 longues amarres supplémentaires, avant de retourner voir
le moteur: aïe, c'est tout cassé là dedans...
Au
début on a pensé à retourner chercher les pièces
à Buenos Aires en bus mais c'était à 1500 km
et le premier village à 30, sans route ni chemin. Du coup
on a réparé, avec de la colle (vive l'araldite), des
plaques d'alu boulonnées et des sandows, et ça nous
a pris une semaine bloqués dans ce joli four. Des manchots,
des dauphins, lions de mer et plein d'oiseaux sont là en
permanence, c'est de toute beauté. Sur les collines on voit
aussi des vigognes qui sont de beaux lamas sauvages. En attendant
que la colle sèche on s'est fait de chouettes balades, barbecue
et baignade dans de l’eau très froide. Au bout d'une
semaine, on est prêt pour tester notre nouveau système.
Ca marche, on peut sortir de la Caleta! Et ça marche tellement
bien qu'après une bonne série de tests en marche avant
et arrière, on a décidé de continuer vers le
sud plutôt que de remonter sur Buenos Aires comme on pensait
le faire au départ.
Par contre ça fait 11 jours
que nous sommes partis de Mar del Plata et notre prévi météo
ne tient plus. Il serait bon d’avoir quelque chose et on décide
de contacter en HF (radio grandes ondes, qui porte à des
milliers de kilomètres) le « patagonian net ».
C’est Wolfgang, un passionné de radio et de voile basé
à Valparaiso qui anime tous les matins une sorte d’émission
qui relie les bateaux tout autour de la Patagonie. Et qui va désormais
nous appeler chaque jour avec une météo à deux
jours en suivant notre progression. Grâce à lui on
verra venir les changements de vent qui sont devenus très
fréquents et on s’organisera en fonction. Il faut continuellement
adapter la voilure du bateau aux conditions, car les changements
de temps sont très brusques : prises de ris, larguer les
ris, re-prise de ris, nous devons rester super réactifs.
Le
22 on approche donc le Détroit de Lemaire avec une prévision
de bon vent du Nord passant à l’ouest à 15h.
Cela nous permettrait de passer avec la marée de 7h car les
courants sont forts et il est difficile de lutter contre. Malheureusement
ça ralentit dans les dernières heures et à
10 heures et on doit se mettre à la cape devant le détroit
pour attendre la prochaine marée. Pas de chance, le vent
d’ouest prévu par Wolfgang s’avère monter
sud ouest 30 nœuds ce qui rend le passage impossible : nous
rebroussons donc chemin et allons nous abriter à Bahia Tétis.
C’est une baie sauvage et pleine de Kelp : de grandes algues
à travers lesquelles on doit slalomer pour trouver un passage
vers le mouillage. Il est 22h et il fait encore grand jour. On va
vite se coucher pour attraper la marée de demain matin à
6h. Au réveil, plus un souffle, c’est presque uniquement
au moteur que nous remonterons le canal Beagle jusqu’à
Ushuaia. En entrant, nous croisons PRB démâté
au mouillage, et retrouvons Makao qui quelques jours plus tôt
a eu 40 nœuds dans le Beagle.Benjamin, quant à lui,
il a dû rebrousser chemin sur Mar del Plata à cause
de sérieux problèmes moteur.
Le lendemain, un bateau de légende
vient se mettre à couple : L’esprit d’équipe
qui a gagné deux fois la withbread, et revient d’antarctique.
On est tous invités à bord pour partager un repas
avec Thierry et ses clients qui nous racontent le Cap Horn, le passage
du Drake les, glaciers… Ca donne envie ! Mais pour notre part,
on a du boulot pour remettre en état notre Ratafia.
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