Cyril
Hugues
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Le convoyage anti pirate

 

Le port de Galle est comme une prison : Pour entrer et sortir il faut montrer son passe au filtre militaire où les armes aux épaules des soldats pointent parfois malencontreusement dans notre direction… « Sont ils chargés ces fusils ?» demande Hugues « Yes » répond le soldat. « Le cran de sureté est il mis ?» « No mais ce sont de bonnes armes, il n’y a pas de danger »… Rassurant ! Les douches les plus proches font partie du poste de garde et me rappellent fortement les latrines de la caserne de mon service militaire, au « Stalag » à Strasbourg… en pire.


Pour faire entrer le taxi avec nos courses il faut une autorisation (une heure), pour inviter à bord Delphine et Anne, deux amies voileuses rencontrées à Ella, il faut une autorisation, les déclarer membres d’équipage et payer 50 dollars (3heures) ; pour plonger et caréner la coque, il faut faire une demande officielle d’ « inspection de la coque », en précisant l’heure et la durée aux autorités, afin d’être sûr de ne pas être victime d’une explosion sous marine ( 2h). En effet, pour se prémunir contre une attaque d’hommes grenouilles tigres Tamouls, les militaires font parait-il, péter de temps en temps des charges explosives dans l’eau du port… On croyait pourtant que la guerre était finie, mais bon, là on ne va pas les contredire.

Bref, le 18 février à 13 h, on est bien contents de recevoir notre autorisation de sortie (3h) et d’appareiller pour Salaalah à Aden !...que l’on croit car à peine 5 mn plus tard, le gardien de phare nous appelle sur le canal 16 :

- Ratafia, vous devez faire demi tour immédiatement : vous avez abandonné 2 membres de votre équipage!

Et Mmmmm, il ne manquait plus que ça. Mais quelques instants plus tard, on est rassuré par une douce voix féminine:

- mais non c’est nous, Delphine, Anne, on est au pied du Phare et on voulait juste vous faire une petite blague en guise d’au revoir

Sympas les filles, la prochaine fois on amputera le pied sans hésiter !

La traversée de la mer d’Arabie se fera sous le signe de la pétole. Mer calme, légère brise, heureusement on a un bon spi asymétrique, et un moteur, spi, moteur, spi, moteur, spi… et plus de moteur, aie on dirait bien que le démarreur est en panne.

A la quatrième tentative, ça repart. Bon on verra ça à Salaalah. En attendant on n’avance pas beaucoup et on a rendez vous avec 19 autres bateaux à l’arrivée pour passer le golfe d’Aden et ses fameux pirates en convois. Ca serait dommage de manquer le départ. A 8h30 tous les matins je me cale sur la fréquence de l’ « indian océan net », 8188KHz en grandes ondes, pour essayer de prendre contact avec « Hafskip », l’organisateur du convoi et le tenir informé de notre avancement. Pour des raisons de sécurité, la date exacte du départ n’a pas été communiquée, et on doit donner sa position via un système codé qui ressemble à un relèvement et une distance par rapport à un point, mais quel est-il? On ne nous a rien dit! Je me contente de transmettre : « arrivée de Ratafia à votre position estimée dans 5 jours ». Mais ils sont trop loin et ne reçoivent pas.

Heureusement, un autre bateau est en retard (mais un peu moins que nous), quelque 150 miles devant nous, «Skylax» fait le relais et organise notre arrivée : prière de préparer pour Ratafia deux visas portuaires, 200 l de fuel en bidons, quelques légumes, des œufs et du pain. « Astra » prend la commande et « Stream Spirit » se charge des courses.

Merci à tous.

Nous sommes arrivés le 3 Mars à 14h15 après 14 jours de mer. A 16h on avait les visas et les provisions ; à 18h on avait fait la vidange et à 20 h, après de grandes embrassades avec Anne et Gordon d’ « Equinox », on assistait au briefing de Jost au yacht club devant une bonne bière. A minuit on vidait le dernier bidon de fuel dans nos réservoirs et à 8h le 4 mars, on prenait notre position B3 au sein du convoi. Seul ombre au tableau: on n’a pas eu le temps de réparer le démarreur, et on n’a pas osé en parler de peur de se voir interdire le convoi.

Dès la sortie, « Orino’Flo » (C4) un cata rapide anglais tombe en panne de ses deux moteurs ; chacun propose des solutions sous la houlette efficace de « Hafskip », A1 dit « Alfa One », chef du convoi. Mais c’est peine perdue car on leur a tout simplement mis du diesel à la place du super et ils décident de faire demi tour pendant qu’on ralentit légèrement la vitesse pour qu’ils puissent nous rattraper au plus vite ; l’ambiance est légère, solidaire, constructive.

Mais dans la nuit, ça se gâte : Delta five, qui fait partie du groupe des américains en queue de convoi et semble se croire au Vietnam, contacte son chef : «Delta force leader» pour rapporter que notre groupe, « Bravo », n’est pas à sa place.
En effet, certains de nous se sont endormis (mais c’est confidentiel) et il se pourrait que l’on ait légèrement dérapé vers la droite. Mais notre chef « Astra », alias Bravo One, fier britannique, prend la mouche et nie en bloc. Le ton monte, le mot est lâché : « fuck you » envoie l’Américain.
Dorénavant on se croirait dans Kohlanta : Un hélicoptère nous survole à basse hauteur, on se met en « Defence formation » quand un «bateau suspect» approche, la tension monte, les susceptibilités nationales s’exacerbent, des alliances se créent et certains veulent mettre dehors les mauvais éléments.

La nuit suivante, un français du groupe de tête fait demi tour pour hisser sa grand voile et traverse le groupe des américains dans le noir complet. Delta five craque: « This is insane, I can’t do this anymore, it’s getting even more dangerous than the pirats! ». Du coup les pirates, on n’a plus le temps d’y penser, avec Hugues on rigole, on compte les points et on se raconte la suite du feuilleton aux changements de quarts.

 

Mais tout s’est bien terminé, on est arrivés tous ensemble sans rien casser, pas vu de pirates, « Orino Flo » nous a rattrapés dès la première nuit et notre démarreur, qui a fini par nous lâcher, a redémarré après qu’on ait découvert et ressoudé un fil cassé.

A l’arrivée après 6 jours de mer, Anne a même réussi à réunir tout ce petit monde autour d’un grand « barbecue débriefing », sur la digue du port, sous l’œil bienveillant et conciliant des autorités Yéménites qui font mine de ne pas voir nos petits mélanges de Schweppes avec un liquide camouflé dans des bouteilles d’eau normalisées, mais qui sent vaguement l’eau de Cologne…

En 4 jours, on a adoré Aden, tant les gens sont accueillants et curieux des étrangers, et malgré cette étrange coutume locale qui veut que toutes les femmes soient (même en discothèque et en mini jupes), coiffées de leur casque de Darth Vador… comme s’interrogeait justement mon coéquipier : «On est où ici, c’est la guerre des étoiles ou quoi ?».

Sur ce, nous avons acheté du mauvais fuel avec de l’eau dedans, et nous nous sommes mis en route vers la mer rouge, en compagnie de « Hafskip » pour le cas où il resterait un risque de pirate dans cette fin de golfe d’Aden.

Cyril