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Claire - Le Retour
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Claire ANDRE-FABER

Le retour: chez les Tigres

 

Claire est la maman d'Hugues. Elle était partie les rejoindre aux Canaries, en début de parcours. Elle nous fait partager son dernier voyage à bord de RATAFIA, au Sri Lanka.

 

 

 

Vous écrire au sujet des retrouvailles, en forme de voyage au Sri Lanka, m’oblige à faire le tri dans ce qui sont déjà des souvenirs !
Il s’est passé tant de choses…

Le voyage

J’embarque à Bruxelles le 3 février au matin et je débarque à Colombo le 4 à 3H.30.
Dès ce moment si l’avion a atterri, le temps lui s’envole !
Je rejoins Negombo en taxi et à 5H.45, je suis enfin au lit. Ouf !

Les deux journées à Negombo (au Nord de Colombo) me permettront de me reposer sur une plage de rêve, d’expérimenter les déplacements en touc-touc, d’apprendre à faire front aux sollicitations incessantes, aux marchandages qui se voudraient sans fin…

Le 6 après-midi, je prends le train pour rejoindre Hugues à Galle, port tout au sud de l’île. À l’hôtel, il m’est vivement recommandé de prendre un ticket de première. Au guichet, j’apprends qu’il n’y a pas de première. J’irai donc en seconde.

Le quai est noir de monde. Je suis la seule blanche et ma présence intrigue beaucoup. Autour de moi, les questions et les commentaires vont « bon train ». Des annonces en cingalais, que je suis la seule à ne pas comprendre, entraînent à trois reprises des mouvements de foule d’un quai à l’autre. Enfin, après quarante minutes d’attente, j’entends enfin arriver un train. Ce n’est pas le train prévu, mais il va à Galle. Je repère dans la foule une jeune femme à l’allure très distinguée, qui, j’imagine, parle anglais. Je lui demande où je devrais m’encaquer pour me trouver à peu près en face des wagons de seconde. Question tout à fait surréaliste. (Mais, je suis belge n’est-ce pas…).

Le train arrive et la marée se déchaîne. Il ne me reste plus qu’à me laisser emporter par la déferlante, si je ne veux pas être piétinée ! Je serai plaquée sur le premier écueil venu : les marches d’entrée d’un wagon. Dans l’impossibilité de me hisser avec mon bagage, je suis enjambée de toutes parts. Je meure de peur à l’idée de laisser glisser un pied ou… les deux, dans le vide entre le quai et le train.

Ce sera la seule grande trouille de ce voyage, qui vu de Bruxelles, m’en avait fait augurer bien d’autres. Notamment parce que j’arrivais une semaine après les élections et qu’il y avait eu des troubles, avec mort d’homme, au cours de la campagne électorale.
La situation de l’état reste instable. Il y a moins d’un an, en mai 2009, que la guerre s’est terminée dans un bain de sang, par le massacre des Tigres Tamoul. Nous pourrons d’ailleurs, Hugues et moi, vérifier l’omniprésence militaire lors de nos pérégrinations dans l’île.
Après trois heures trente de train, pour faire plus ou moins 120 km, j’arrive enfin à Galle.

AH !!!! Hugues est sur le quai !

Nous passons une bonne partie de la soirée en démarches administratives pour obtenir mon laissez-passer : le bateau n’a pu accoster qu’en zone militaire avec obligation de rester en laisse. Il n’est pas question de naviguer.

Pour le rejoindre, après le passage du barrage militaire, nous marchons près d’un km, à la lumière d’une lampe poche, en grande partie dans la caillasse et la boue. Ratafia est amarré à un ponton de fortune, constitué d’espèce de gros coussins pneumatiques, rebondissant suffisamment pour me faire craindre de valser à la flotte à chaque pas.
Cyril est là. Quel plaisir de se retrouver ! Et nous partons à trois au resto. Après une nuit passée sur le bateau dans une chaleur étouffante mère et fils partent à la découverte du Galle… historique. Conseil du jour : ne vous fiez pas trop à Lonely Planet.

Après une seconde nuit passée à fondre dans les entrailles de Ratafia, nous partons tous les trois à la découverte de l’île. Cyril enfourche une moto de location et Hugues et moi, nous prenons un taxi, direction le parc national de Yala.
Nous longeons donc une grande partie de la côte sud de l’île. On peut à peine imaginer qu’elle fut entièrement ravagée par le tsunami ! Les endroits, en bordure d’océan, recherchés par les touristes ne laissent plus rien paraître. Ailleurs, les plaies se font discrètes et se dérobent au regard des porteurs de lunettes noires. Nous nous arrêtons à une terrasse, sur une de ces plages de rêve, pour boire un rafraîchissement et nous baigner. L’hôtel de luxe, maître du lieu, est reconstruit les pieds dans l’eau ! Et…, je peux comprendre : comment résister à tant de beauté ?

Après une très courte nuit, nous démarrons avant l’aube pour le parc national. Le chauffeur d’une vielle Land Rover est complètement allumé et fonce à tombeau ouvert jusqu’à l’entrée du parc. Mais, ce même chauffeur, se révélera aussi extraordinairement patient et compétant pour repérer les animaux. Le ranger officiel, dont la présence est obligatoire, fait pâle figure à côté de lui. Nous pourrons même, dans le plus grand silence et la plus grande immobilité, observer un long moment un couple de tigres.

Le lendemain, nous rejoignons Ella.
De la terrasse et de la porte-fenêtre de la chambre la vue est splendide. Des vallées souvent très encaissées, une végétation particulière, des montagnes déchiquetées à certains endroits me font découvrir un paysage, de mon point de vue, totalement original.
Nous resterons trois jours dans ces montagnes. Nous y ferons deux grandes balades. L’une d’elles nous fait grimper dans l’immensité verte des champs de thé. Des femmes en saris de toutes les couleurs font la cueillette : autant de taches chatoyantes glissant de plant en plant. Lorsqu’au passage, nous les saluons, elles nous répondent par un joyeux « hello » accompagné d’un sourire qui n’a rien de conventionnel.

Trajet suivant : Ella/ Kandy en passant par Nuwara Eliya.
Nous irons en trains. Le trajet a une telle réputation de beauté auprès des touristes, qu’il est obligatoire de réserver ses places la veille. Cela ne nous empêchera pas de nous retrouver sans places, nos tickets ayant été vendus deux fois.
Quelle chance !
Le contrôleur très sympa, propose de nous installer dans une espèce de wagon à bestiaux dont une paroi latérale est entièrement coulissante. Le train a tout son temps, nous aussi. Si bien qu’assis au bord de l’ouverture nous pénétrons littéralement dans le paysage : en tendant le bras, nous pourrions cueillir les fleurs en bordure de voie. La réputation de beauté du trajet n’est en rien surfaite et les tableaux paysagers se succèdent dans une diversité imprévisible : forêts, plaines cultivées au quadrillage multicolore, montagnes proches ou lointaines, rivières verdoyantes qui nous accompagnent un moment, villages, petites agglomérations lors des arrêts.

Arrivés à Nuwara Eliya, nous prenons un bus. Aujourd’hui encore, je me demande comment j’ai pu me déplier après être restée coincée dans la même position, pendant ce trajet de plus de trois heures.
Nous resterons trois jours à Kandy. La première nuit, nous occupons une chambre d’hôte, dans une énorme et magnifique villa de style art déco. Située dans un parc au sommet d’une colline, la vue sur le lac est imprenable. Tout ici est impressionnant tant par les dimensions que par l’harmonie entre architecture et ameublement. J’ajouterais que même la plomberie est d’époque. Un seul robinet du lavabo donne un filet d’eau, l’autre est prêt à nous rester entre les mains et la baignoire n’est pas en reste…

Nous ne nous joindrons pas à la foule des pèlerins bouddhistes se rendant au fameux temple de la dent, construit au milieu du lac. Ce lieu saint et hautement symbolique fut en partie détruit par les guerriers tamouls. Nous choisirons d’aller en touc touc à la découverte de deux temples construits dans les collines environnantes. Le premier est situé au sommet d’une colline, au centre d’une vaste esplanade, rien n’y arrête le regard. On s’y sent comme en suspens entre terre et ciel, dans une atmosphère de grande sérénité. Peu de monde, nous sommes les seuls touristes. Seulement quelques familles ou petits groupes qui viennent en pèlerinage apportant des fleurs en présent. Le recueillement est sensible.

Nous décidons de nous rendre à pieds jusqu’au second temple où le touc touc nous attendra. Nous avons été bien inspirés : nous marchons pendant plus d’une heure, d’abord à travers une forêt à la végétation luxuriante et puis, en fin de parcours, parmi les champs, en nous dirigeant vers le temple au son d’une prière qui s’écoule dans la vallée.
Le touc touc n’est pas là. Il ne nous aura sans doute pas bien compris.
La concurrence entre chauffeurs de touc touc est si grande qu’il n’est pas rare que le chauffeur fasse semblant d’avoir compris ou de connaître l’endroit où on désire se rendre. L’important est de ferrer le client. Pour le reste, il est toujours temps de se renseigner en cours de route…

Dernière étape : Sigiriya et son site archéologique.

C’est grâce à ce site, qu’Hugues et moi, sommes devenus des stars des spots publicitaires de la T.V. sri lankaise ! La partie la plus importante des restes archéologiques se situe au sommet d’un piton rocheux. Avant d’entreprendre la montée des dizaines de marches, nous devons enfiler une combinaison caoutchoutée digne d’un départ pour la lune, capuchon et gants compris. Là-haut, nous annoncent de grands panneaux, le danger est énorme : le sommet est envahi de nombreux essaims de guêpes. Un Caméraman nous filme tandis que nous enfilons péniblement nos combinaisons. Nous témoignerons ainsi à l’île toute entière que « les assurances X, vous protègent, en toutes circonstances, des risques les plus imprévisibles et cela, qui que vous soyez ».
Ainsi équipés, nous entreprenons péniblement notre escalade. Arrivés au premier palier, il faut nous rendre à l’évidence, nous devons faire un choix : sous un soleil torride, mourir de suffocation dans nos combines ou être dévorés par les guêpes. Quel dilemme ! Avant de ne plus pouvoir respirer, nous nous débarrassons de nos combinaisons. Et… nous ne rencontrerons aucune guêpe !

Le lendemain, sains et saufs, nous pourrons rejoindre Colombo en bus.
À nouveau, ne vous fiez pas trop à Lonely Planet. Mais je serais injuste si je n’ajoutais pas que, grâce à ce même guide, nous logeons deux nuits chez l’habitant et nous sommes vraiment CHEZ l’habitant. Ce qui devient réellement exceptionnel, lorsqu’on vous annonce : « chambre chez l’habitant ».

C’est le dernier jour, le temps se pose.

Hugues quitte Colombo le premier. Il ne faut pas prendre de retard. Il s’agit de rejoindre Salalah dans les temps. C’est là que se forme l’escadre pour passer la zone la plus menacée par les pirates.
Quelques heures plus tard, je prends le taxi pour Bandaranayike international. Je débarque à Bruxelles national, le lendemain à 7h. 30.

 

On est le 17 février 2010.
Ce fut un magnifique voyage.

 

Claire